La Chine est-elle une économie de marché ?

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En application des règles de l’OMC, la Chine pourrait bientôt perdre son statut d’économie non marchande pour accéder à celui d’économie de marché. Un changement sémantique qui pourrait avoir de lourdes répercussions économiques au sein de l’Union européenne.

Lorsque Pékin rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, Bruxelles refuse de lui attribuer le statut d’économie de marché et la classe dans la catégorie « non marchande ». En cause : les aides d’Etat accordées par la Chine à certains produits qui inondent l’Union européenne (UE), faussant de facto la concurrence au sein du marché intérieur. En décembre prochain, cependant, les Etats membres devront se prononcer sur l’actualisation du statut de la Chine. Les discussions, qui ont déjà commencé, semblent pour l’instant converger.

Une reconnaissance prématurée

Pour Bernard O’Connor, avocat spécialisé en droit européen, « la Chine n’est pas une économie de marché » tout simplement. « En 2001, quand elle est devenue membre de l’OMC, la Chine a signé un accord comprenant toute une série d’engagements. Elle en a respecté un ou deux, mais pas la majorité. » Du Côté du Parlement européen, la question est loin d’être réglée. « Le groupe Socialistes et Démocrates est convaincu qu’octroyer le statut d’économie de marché à la Chine serait prématuré » a déclaré Gianni Pittela, son président. Même son de cloche chez les commissaires européens, qui se sont réunis le 13 janvier pour débattre du sujet. Selon eux, ce glissement sémantique pourrait même avoir des retombées catastrophiques pour le marché européen. 90 % des mesures anti-dumping prises par Bruxelles deviendraient alors incompatibles avec les engagements pris au regard de l’OMC ; l’UE courrait alors le risque d’être sanctionnée par l’organe de règlement des différends de l’organisation. L’entrée de produits chinois sur le marché européen sans compensation aurait pourtant un impact énorme : la production pourrait être réduite de 2 % du PIB par an ; entre 1,7 et 3,5 millions d’emplois seraient menacés en dès 2020, dont 183 300 à 366 800 en France, selon une étude de l’Institut de politique économique (EPI), think tank basé à Washington.

Deuxième puissance économique mondiale – première en termes de parité de pouvoir d’achat –, la Chine a les moyens de faire pression pour obtenir le statut convoité, qui tomberait à point nommé vu le ralentissement de sa croissance enregistré en 2015 – sous la barre des 7 %. Le tournant capitaliste de Pékin, l’explosion de son marché intérieur ou encore la prédominance du yuan – qui vient de faire son entrée dans le panier des droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international (FMI) – dans les échanges mondiaux, indiquent que la Chine se rapproche effectivement de l’économie de marché. Mais des industries entières échappent encore à toute logique concurrentielle et restent biaisées, au premier rang desquelles l’aluminium.

L’aluminium chinois : « non-sens économique et hold-up écologique »

Pour Gerd Götz, directeur général d’European Aluminium, la filière européenne de l’aluminium a raison de s’inquiéter : 54 % de l’aluminium mondial est d’origine chinoise. Chaque année, la Chine produit 28 millions de tonnes d’aluminium et en exporte 10 millions. Une surproduction effrénée que plus aucune barrière ne pourrait contenir en cas d’obtention du statut d’économie de marché. En comparaison, l’industrie européenne ne produit que 2 millions de tonnes d’aluminium par an. Sans parler des conditions d’extraction, de production et d’acheminement de l’aluminium : 90 % de l’énergie utilisée est issue du charbon, ce qui, outre le fait d’être un procédé extrêmement polluant, réduit drastiquement les coûts de production. Philippe Chalmin, président de Cyclope et co-auteur d’un rapport sur la question, juge que « l’augmentation de la production chinoise, de 18 % sur les six premiers mois de 2015, est un non-sens économique et un hold-up écologique ».

En plus de fausser drastiquement la concurrence sur le marché européen, la production chinoise de ce métal remet donc directement en question la volonté de Pékin de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial – dont 1% est dû à la chaine de l’aluminium. Si la question écologique ne devrait pas peser bien lourd dans la balance, au moment d’attribuer ou non le statut d’économie de marché à la Chine, l’UE doit nécessairement l’avoir en tête. Et tandis que la Commission considère que le changement de statut est automatique et entrera en vigueur dès décembre prochain, les juristes du Parlement sont quant à eux d’avis qu’il existe une marge de manœuvre pour maintenir le statu quo. Outre-Atlantique, on assure en tout cas que tout sera fait pour que la Chine n’obtienne pas la qualification d’économie de marché.

 

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