Menace sur l’aluminium chinois

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Le secteur de l’aluminium chinois est en difficulté : alors que ses méthodes d’exploitation sont de plus en plus contestées en Afrique, les autorités américaines ont engagé un bras de fer avec Pékin.

 

Les feuilles d’aluminium importées de Chine sont-elles subventionnées de manière déloyale pour être vendues aux États-Unis en dessous de leur prix de revient ? C’est en tout cas la question que se pose le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross, qui a initié fin novembre des investigations pour déterminer si ces produits ont bénéficié de subventions au détriment de l’industrie américaine.

« Le président Trump a clairement fait savoir depuis le début que les pratiques commerciales déséquilibrées ne seront pas tolérées sous son administration », a déclaré M. Ross, pour qui cette investigation prouve que « nous avons l’intention de tenir cette promesse envers le peuple américain ». L’enquête ouverte par le département du Commerce est en effet le signe d’une « vigilance constante dans le soutien à un commerce libre, équitable et réciproque », selon le fonctionnaire américain.

La réaction chinoise ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué diffusé le 29 novembre, Pékin a exprimé son « vif mécontentement » face au « protectionnisme » des États-Unis. La Chine a annoncé qu’elle « prendra les mesures nécessaires pour protéger les droits et intérêts légitimes de (ses) entreprises » et a mis en garde contre les possibles conséquences d’un conflit avec les États-Unis. « L’obstruction artificielle au (fonctionnement) ordonné et normal des échanges bilatéraux sur l’aluminium nuira aux intérêts des deux pays », lit-on dans le communiqué du ministère chinois du Commerce.

En 15 ans, la Chine est devenue le premier producteur mondial d’aluminium, une place qu’elle a ravi aux États-Unis dès le début des années 2000. Pour le mois de septembre 2017, le géant asiatique a produit 54,5 % de l’aluminium mondial.

 

En Afrique, une méfiance aussi importante qu’aux États-Unis

Promettant de réindustrialiser les États-Unis, le candidat Donald Trump s’était engagé à durcir la position américaine face aux Chinois. C’est désormais chose faite. Le département du Commerce américain a lancé 77 enquêtes antidumping ou liées aux droits compensatoires entre le 20 janvier (jour de l’investiture de Donald Trump) et le 25 octobre derniers.

En août, le département du Commerce avait instauré des droits antidumping provisoires allant de 17 % à 81 % sur les importations de feuilles d’aluminium chinoises, jugées contraires au droit de la concurrence. Deux mois plus tard, Washington a revu à la hausse ces droits antidumping, les échelonnant entre 97 % et 162 %. Et le bras de fer entre les deux puissances devrait se prolonger alors que les groupes miniers chinois gagnent en compétence et son exhortés par Pékin à renforcer leurs positions pour assurer leur approvisionnement en métaux.

Mais bousculé sur l’un de ses principaux marchés, les Etats-Unis, l’aluminium chinois est aussi balloté dans ses zones de production, en Afrique. Même le président guinéen Alpha Condé, qui avait pourtant largement ouvert les portes de son pays aux groupes miniers asiatiques, multiplie désormais les déclarations hostiles. Il refuse que son pays « ne soit qu’un simple fournisseur de matières premières » et plaide pour que la bauxite, minerai essentiel pour la production de l’aluminium, soit consommée et transformée sur place. Il hausse également le ton face aux pratiques des sociétés chinoises en matière de protection de l’environnement. « Il n’est pas normal que certaines sociétés minières continuent de faire rouler des camions avec beaucoup de poussière, c’est contraire au principe de bonne gouvernance qu’est la protection de l’environnement », a récemment déclaré le chef de l’Etat.

 

Rage et frustration

Le président guinéen tente ainsi de répondre au profond mécontentement de son peuple, confronté à des exploitants chinois comme Chinalco ou China Hongqiao Group, qui saccagent l’environnement et qui ne participent pas à l’amélioration des conditions de vie des populations locales.

Depuis plusieurs mois, la société civile et les autorités guinéennes réclament des efforts de la part des sociétés chinoises : une meilleure répartition des richesses produites et une meilleure protection de la nature environnante. Les émeutes qui ont secoué la ville minière de Boké en avril dernier, où des milliers de jeunes ont affronté les forces de l’ordre pendant plusieurs jours, illustrent la colère et l’exaspération des guinéens. Le chômage continue de ravager le pays, les nappes phréatiques sont désormais polluées à cause des modes d’extraction de la bauxite et l’état de santé des habitants aux alentours de ces mines à ciel ouvert se dégrade sensiblement.

Si l’Empire du Milieu veut continuer de s’appuyer sur les ressources minières guinéennes pour maintenir son niveau de production d’aluminium et tenir tête aux États-Unis, il sera contraint de procéder à une complète (et couteuse) remise en question de ses modes d’exploitation. Un pari très risqué, mais inévitable, tant la mauvaise réputation des groupes miniers chinois handicape désormais ses relations commerciales avec les nations africaines.

Antoine Thirion

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