Le sommet organisé à Turnberry, en Écosse, le 27 juillet, entre Donald Trump et Ursula von der Leyen devait poser les bases d’un nouvel équilibre commercial entre l’Union européenne et les États-Unis. Si plusieurs secteurs en sont sortis rassurés, l’acier et l’aluminium européens demeurent dans une zone grise particulièrement préoccupante. Écartés du taux général de 15 % de droits de douane instauré pour la majorité des exportations européennes, ces deux matériaux essentiels restent soumis à un tarif punitif de 50 % imposé unilatéralement par Washington depuis mai.
Ce statu quo, en apparence, ne ferme pas complètement la porte à une amélioration. Bruxelles évoque de futures négociations en vue d’établir des quotas d’exportation exemptés de ces droits. Autrement dit, une partie des exportations européennes pourrait à terme bénéficier d’un traitement préférentiel, et n’être taxée qu’au-delà d’un certain seuil. Mais cette perspective reste théorique, faute de confirmation claire côté américain.
Une position ambivalente de la Maison Blanche
Du côté des États-Unis, aucune annonce précise n’a été formulée quant à ces quotas. Un mémo publié par la Maison Blanche se contente de confirmer le maintien des tarifs de 50 % sur l’acier, l’aluminium et le cuivre, tout en évoquant une volonté commune de « sécuriser les chaînes d’approvisionnement ». Un langage diplomatique flou, qui n’offre pour l’instant aucune garantie concrète aux industriels européens.
Cette ambiguïté agace à Bruxelles. Car si la Commission européenne continue de croire à une issue négociée, elle doit désormais composer avec un partenaire américain imprévisible, dont les décisions s’inscrivent dans une logique résolument protectionniste. Et cette politique ne date pas d’hier : dès son premier mandat, Donald Trump avait restauré une série de barrières douanières sur l’acier étranger, au nom de la sécurité nationale et du redressement industriel américain.
Les industries de l’acier en tension de part et d’autre de l’Atlantique
L’impact de ces droits de douane à 50 % est loin d’être symbolique pour les producteurs européens. L’acier et l’aluminium sont deux piliers de l’industrie lourde, et les hausses de tarifs fragilisent mécaniquement leur compétitivité à l’export. Pour les industriels du continent, il ne s’agit pas simplement de défendre des parts de marché, mais de préserver des milliers d’emplois dans des bassins industriels déjà sous pression.
De l’autre côté, le secteur métallurgique américain plaide pour le maintien des protections mises en place par l’administration Trump. Ces dernières ont favorisé une remontée des investissements domestiques et sont perçues comme un levier essentiel de la politique industrielle voulue par Washington. Difficile, dans ce contexte, d’imaginer une concession rapide de la part des autorités américaines.
Bruxelles cherche à temporiser
Face à ce contexte tendu, la Commission européenne mise sur le temps et la diplomatie commerciale. Elle espère que les négociations à venir permettront de sanctuariser un certain volume d’exportations européennes, quitte à sacrifier les excédents. Mais sans position commune forte des Vingt-Sept ni appui clair de Washington, l’issue de ce dossier reste hautement incertaine.
Pour les sidérurgistes européens, cette incertitude prolongée est déjà un handicap. Les carnets de commande se réduisent, les coûts augmentent, et l’instabilité politique pèse sur la planification industrielle. L’Union européenne se retrouve dans une position délicate : concilier une posture de fermeté avec l’obligation de trouver un terrain d’entente avec un partenaire aussi central que les États-Unis.
Un test pour la stratégie commerciale de l’acier européenne
Au-delà du cas spécifique de l’acier et de l’aluminium, l’issue de ces discussions sera un test majeur pour la crédibilité de l’UE dans sa capacité à défendre ses intérêts industriels dans un monde multipolaire et de plus en plus protectionniste. Le choix de Donald Trump de maintenir des barrières aussi élevées envoie un signal clair : l’Europe ne peut plus compter sur un traitement de faveur, même en tant qu’alliée stratégique.
Reste à savoir si Bruxelles saura s’adapter à ce nouvel ordre commercial ou si l’industrie lourde européenne devra apprendre à survivre dans la tempête. Pour l’heure, l’acier et l’aluminium restent plongés dans le brouillard diplomatique, avec en ligne de mire un avenir suspendu à des tractations qui s’annoncent longues et incertaines.