La publication de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3), censée dessiner l’avenir énergétique de la France jusqu’en 2035, vire au casse-tête politique. Alors qu’une rumeur de moratoire sur les énergies renouvelables terrestres a provoqué la colère des industriels, les cibles pour le solaire ont déjà été revues à la baisse cet été. Entre débats parlementaires, tensions partisanes et inquiétude des professionnels, la filière est au bord de la crise de nerfs.
Un projet devenu hautement politique
Prévue depuis deux ans, la PPE3 cristallise désormais toutes les tensions. Le média Contexte a affirmé vendredi dernier que le Premier ministre Sébastien Lecornu envisageait d’assortir le décret d’un moratoire temporaire sur le solaire et l’éolien terrestres, afin de réexaminer les dispositifs de soutien public. L’idée aurait pour but de satisfaire une partie de la droite et du Rassemblement national (RN), critiques sur les subventions accordées au secteur.
Face au tollé, le chef du gouvernement a démenti toute mise en pause. Dans un entretien au Parisien, il a réaffirmé que « la décarbonation est une priorité pour notre souveraineté », tout en refusant de préciser la date de signature du décret.
Le spectre du moratoire divise droite et extrême droite
Si certains élus Les Républicains, à l’image de leur président Bruno Retailleau, soutiennent ouvertement un moratoire, d’autres au sein du parti plaident au contraire pour accélérer le développement des renouvelables. Cette fracture interne complique la donne, tandis que le RN campe sur une opposition frontale à la PPE, moratoire ou pas.
« Le principe même d’un moratoire a été rejeté par les députés cet été ! », s’est indigné Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. Le lobby dénonce un « déni démocratique » et un « déni énergétique », qui profiterait surtout aux énergies fossiles.
Des objectifs solaires déjà rabotés
Au-delà de la bataille politique, les industriels s’inquiètent des signaux envoyés par le gouvernement. Selon plusieurs sources, les objectifs de développement du photovoltaïque pour 2035 ont déjà été abaissés à la dernière minute.
En mars, la cible avait été réduite de 75-100 gigawatts (GW) à 65-90 GW. Elle serait désormais ramenée à 55-80 GW, soit une multiplication par 3,5 à 4,5 des capacités actuelles, mais loin des ambitions initiales. Dans l’éolien terrestre, l’État chercherait lui aussi à ralentir les appels d’offres, invoquant la faible progression de la consommation électrique nationale.
Seule la filière de l’éolien en mer semble encore épargnée, misant sur un futur appel d’offres massif.
Une filière en quête de visibilité
Pour les professionnels, cette instabilité politique fragilise la planification de leurs investissements. « Les bras m’en tombent », souffle un acteur du secteur. La filière, déjà marquée par des retards successifs, peine à se projeter dans la décennie 2030 sans cadre clair.
Le report décidé cet été par François Bayrou, alors Premier ministre, avait déjà provoqué l’exaspération des ministres de l’Énergie et de la Transition écologique. Désormais, c’est au tour de Sébastien Lecornu d’arbitrer un dossier devenu explosif, entre pressions partisanes, contraintes budgétaires et urgence climatique.
Pour l’heure, le décret PPE3 reste prêt sur son bureau. Mais chaque jour de retard accentue la fébrilité d’un secteur qui craint que les ambitions de la France en matière d’énergies renouvelables ne s’étiolent au fil des compromis politiques.