Crise politique et incertitude budgétaire : la démission de Sébastien Lecornu plonge les finances publiques dans le flou

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Le départ inattendu du Premier ministre Sébastien Lecornu fragilise le calendrier budgétaire de la France. Sans gouvernement pleinement fonctionnel, l’adoption du budget 2026 semble désormais impossible avant la fin de l’année. Une loi spéciale devrait une nouvelle fois être votée pour garantir la continuité de l’État.

La démission annoncée de Sébastien Lecornu, lundi 6 octobre, n’a pas seulement des conséquences politiques : elle menace directement la préparation du budget 2026. Le gouvernement devait en effet soumettre au Parlement, avant le 13 octobre, le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Deux textes essentiels pour encadrer les dépenses et les recettes de l’État. Or, avec un exécutif démissionnaire, le processus parlementaire est désormais bloqué.

Un calendrier impossible à tenir

« La possibilité d’adopter un budget avant le 31 décembre risque de s’avérer très faible », avertit Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’Université Toulouse Capitole. Il rappelle qu’un gouvernement démissionnaire, chargé uniquement des affaires courantes, ne peut pas déposer un budget, un acte éminemment politique. Résultat : la France se dirige vers une nouvelle “loi spéciale” pour assurer son fonctionnement minimal au début de l’année 2026.

Ce scénario n’est pas inédit. En décembre 2024, après la chute du gouvernement Barnier, le Parlement avait déjà dû voter un texte similaire. Ce dispositif transitoire autorise l’État à percevoir les impôts existants et à poursuivre ses dépenses essentielles, mais interdit toute création de nouvelles taxes ou revalorisation fiscale.

Un État qui fonctionne, mais à régime réduit

Contrairement à la situation de blocage budgétaire que connaissent parfois les États-Unis, la France ne risque pas la paralysie. Les fonctionnaires continueront à être payés, les pensions de retraite versées et les soins remboursés. En revanche, le gel des dépenses publiques empêche toute adaptation du barème de l’impôt sur le revenu à l’inflation.

Conséquence : des dizaines de milliers de foyers pourraient devenir imposables ou voir leur impôt augmenter mécaniquement, faute de revalorisation du seuil d’imposition. Un effet collatéral qui pèsera particulièrement sur les classes moyennes.

Pour Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade, l’impact global d’une telle loi resterait toutefois « modéré ». Elle entraînerait un peu plus d’incertitude et une légère hausse du coût de l’emprunt français, mais sans risque de panique sur les marchés.

Un déficit public légèrement réduit

Paradoxalement, ce gel budgétaire pourrait freiner la dérive du déficit public. En limitant strictement les dépenses de l’État et, par ricochet, celles des collectivités locales, l’AIE estime que 15 à 20 milliards d’euros d’économies pourraient être réalisées en 2026. Cela ramènerait le déficit à environ 5 % du PIB, contre 5,4 % attendus cette année.

Cette correction reste toutefois inférieure à l’ambition affichée par Sébastien Lecornu, qui visait 4,7 % du PIB en 2026 et un retour à 3 % en 2029. Le ralentissement économique et l’absence de réformes structurelles pèseront sans doute sur la trajectoire budgétaire des années à venir.

Les marchés restent calmes… pour l’instant

Sur les marchés financiers, la réaction est mesurée. « C’est toujours problématique qu’un pays soit dans l’incapacité de voter un budget, mais cela n’a pas surpris grand monde », analyse l’économiste Sylvain Bersinger, du cabinet Bersingéco. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la France vit dans une instabilité politique quasi permanente.

Les investisseurs redoutent surtout un scénario plus chaotique : de nouvelles élections législatives qui prolongeraient le vide institutionnel. Dans ce cas, les conséquences économiques pourraient être bien plus graves : hausse des taux d’intérêt, gel des investissements, chute de la confiance des ménages et contraction de la croissance.

Une incertitude politique à fort coût économique

Pour l’heure, la situation reste sous contrôle, mais les risques augmentent. Sans budget adopté, la marge de manœuvre du futur gouvernement sera réduite et les arbitrages économiques reportés. Or la France doit déjà composer avec une dette supérieure à 110 % du PIB et une croissance molle.

Cette nouvelle crise institutionnelle fragilise un peu plus la crédibilité budgétaire du pays auprès de ses partenaires européens. Si la loi spéciale permet d’éviter la paralysie, elle ne remplace pas une politique économique.

En l’absence d’un cap clair, la France s’installe dans une forme de gestion par défaut, loin des grandes orientations promises pour la relance et la réduction des déficits. Et tandis que les mois passent sans budget voté, c’est toute la stabilité économique du pays qui s’érode un peu plus.

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