Depuis plus d’un siècle, l’économie mondiale tourne grâce au pétrole. Il alimente les camions, les machines, les avions, les tracteurs et même certains procédés industriels. L’essence, dérivée du raffinage du pétrole, reste le moteur discret mais indispensable de la productivité. Imaginer un monde sans essence, c’est donc imaginer un monde où la logistique ralentit, les coûts explosent et les chaînes de production se grippent. Pour les entreprises, la transition vers un modèle sans carburant fossile s’annonce comme un défi colossal.
L’énergie qui fait tourner l’économie
L’essence n’est pas qu’un carburant pour nos voitures. Elle est, depuis des décennies, l’un des piliers invisibles du système productif. Le transport routier, par exemple, repose encore à plus de 95 % sur des moteurs thermiques. Les livraisons de marchandises, les déplacements des salariés, la distribution des produits finis : tout dépend du pétrole.
Dans l’industrie, le pétrole joue aussi un rôle stratégique. Il sert à faire fonctionner des engins de chantier, à chauffer des usines ou à produire des dérivés indispensables (plastiques, solvants, engrais, textiles…). Sans essence, c’est toute la mécanique de la croissance qui ralentirait.
Le secteur agricole serait particulièrement touché. Tracteurs, moissonneuses, transport des récoltes : l’agriculture moderne consomme massivement du carburant. Sans lui, les coûts de production grimperaient en flèche et la sécurité alimentaire pourrait être fragilisée.
Une dépendance encore trop forte
Malgré les progrès réalisés en matière de transition énergétique, la dépendance au pétrole reste profonde. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), près de 30 % de la consommation énergétique mondiale provient encore du pétrole. Et dans le transport, cette proportion dépasse 90 %.
Les entreprises ont certes amorcé un virage vers des alternatives — véhicules électriques, biocarburants, hydrogène, télétravail, circuits courts — mais ces solutions restent limitées à court terme.
Les véhicules électriques, par exemple, demandent une production massive de batteries, dont les matières premières (lithium, cobalt, nickel) sont coûteuses et concentrées dans quelques régions du monde. Les biocarburants, eux, posent des problèmes de rendement et de concurrence avec les cultures alimentaires. Quant à l’hydrogène vert, il nécessite une électricité décarbonée abondante, encore rare dans de nombreux pays.
En clair, aucune alternative n’est encore capable de remplacer totalement l’essence dans toutes ses fonctions économiques.
Des coûts de production appelés à s’envoler
Si l’essence venait à manquer, ou à devenir trop chère, les conséquences pour les entreprises seraient immédiates. Le coût du transport grimperait, renchérissant l’ensemble des chaînes d’approvisionnement. Les secteurs les plus dépendants — logistique, agriculture, BTP, industrie lourde — seraient les premiers touchés.
Une hausse durable des prix du carburant se répercuterait sur les prix à la consommation, réduisant la compétitivité des entreprises exportatrices. Certaines activités deviendraient tout simplement non rentables. On assisterait à un ralentissement de la production, voire à des fermetures d’usines ou à des délocalisations vers des zones où l’énergie reste accessible.
De plus, sans essence, la mobilité des travailleurs serait elle aussi réduite. Dans les zones rurales ou industrielles mal desservies, de nombreux salariés dépendent encore de leur véhicule personnel. Une raréfaction du carburant pourrait freiner leur accès à l’emploi et accentuer les inégalités territoriales.
La nécessaire réinvention du modèle productif
Pour éviter ce scénario, les entreprises doivent dès aujourd’hui repenser leur rapport à l’énergie. Cela passe par trois leviers : la diversification énergétique, la sobriété, et l’innovation technologique.
Diversifier, c’est investir dans des alternatives : électrification des flottes, logistique ferroviaire, mutualisation des transports, recours aux énergies renouvelables.
Être sobre, c’est repenser les besoins eux-mêmes : réduire les déplacements inutiles, optimiser les processus de production, rapprocher les lieux de fabrication des consommateurs.
Enfin, innover, c’est miser sur les technologies émergentes — hydrogène, carburants de synthèse, batteries solides — qui pourraient, à terme, assurer une productivité sans pétrole.
Mais cette mutation ne se fera pas sans effort ni sans coût. Les infrastructures devront être repensées, les chaînes logistiques redessinées, et les mentalités transformées. Il ne s’agit pas seulement de changer de carburant, mais de changer de modèle économique.
Un monde en transition
Le passage vers une économie sans essence est inévitable, mais il s’annonce chaotique si la préparation est insuffisante. Les entreprises devront apprendre à produire autrement, à consommer moins d’énergie, et à s’appuyer sur des ressources locales et renouvelables.
À court terme, cela risque de ralentir la productivité. Mais à long terme, cette transformation pourrait devenir une opportunité : celle de bâtir un modèle plus résilient, moins dépendant des énergies fossiles, et mieux adapté aux impératifs climatiques.
Car au fond, la question n’est pas de savoir si les entreprises peuvent être productives sans essence — mais quand et comment elles apprendront à l’être.