Alors que l’envoi de la troisième vague de chèques énergie a débuté lundi 17 novembre, plusieurs associations alertent sur un risque d’exclusion massif. Selon leurs estimations, près d’un ménage éligible sur trois pourrait ne pas recevoir l’aide en 2025, au moment même où la précarité énergétique atteint un niveau record et où le budget du dispositif pourrait être réduit en 2026.
Une aide en perte de vitesse dans un contexte social dégradé
D’après les associations de consommateurs interrogées par RMC Conso, le dispositif montre des signes d’essoufflement. Elles relèvent notamment que 36 % des foyers déclarent avoir des difficultés à régler leurs factures d’électricité ou de gaz, selon le baromètre 2025 du médiateur national de l’énergie. Un chiffre inédit qui témoigne de la pression croissante sur les budgets des ménages.
La situation dans les logements est tout aussi préoccupante : la part des foyers ayant eu froid chez eux durant l’hiver a plus que doublé en cinq ans, passant de 14 % en 2020 à 35 % en 2025. Parmi les bénéficiaires du chèque énergie, l’impact est encore plus marqué : 59 % indiquent avoir souffert du froid l’hiver dernier, soit dix points de plus en un an.
Un système d’identification des bénéficiaires profondément perturbé
Les associations pointent principalement un problème d’identification des bénéficiaires. La suppression de la taxe d’habitation en 2023 a désorganisé le système qui permettait jusqu’alors de déterminer automatiquement les foyers éligibles. En 2024, seuls les anciens bénéficiaires ont continué à recevoir le chèque sans démarche supplémentaire.
Une plateforme d’inscription avait été mise en place pour les autres ménages, mais son utilisation est restée très faible : seuls 176 000 chèques ont été distribués via ce canal, alors qu’environ un million de foyers étaient potentiellement concernés.
Jusqu’à deux millions de ménages exclus du dispositif ?
Pour 2025, le gouvernement a conçu un nouveau dispositif fondé sur le croisement de données entre l’administration fiscale et les fournisseurs d’énergie. Celui-ci permet d’identifier automatiquement 3,8 millions de ménages. Mais le chiffre reste nettement inférieur aux 5,7 millions de bénéficiaires observés lors des campagnes précédentes.
En conséquence, entre 1,5 et 2 millions de foyers pourraient être laissés de côté en 2025 et, potentiellement, en 2026. L’envoi tardif du chèque cette année — repoussé en novembre à cause du retard du vote du budget — complique encore la situation : six bénéficiaires sur dix signalent avoir été affectés par ce décalage, notamment par des difficultés de paiement ou des coupures d’énergie.
À cela pourrait s’ajouter une nouvelle contraction budgétaire. Après une baisse en 2025, le financement du dispositif pourrait être amputé de 225 millions d’euros supplémentaires en 2026, selon le projet actuel de loi de finances.
Les associations demandent un renforcement urgent du dispositif
Face à ces inquiétudes, plusieurs organisations, dont le Cnafal, ont publié une lettre ouverte à l’occasion de la journée de lutte contre la précarité énergétique, le 18 novembre. Elles réclament une révision en profondeur du dispositif afin d’éviter une réduction trop importante du nombre de bénéficiaires.
Elles demandent notamment une restauration des crédits alloués en 2024, une révision des critères d’attribution jugés trop restrictifs et une revalorisation significative du montant du chèque. Selon elles, le seuil de revenus retenu pour déterminer l’éligibilité est désormais inférieur au seuil de pauvreté, ce qui exclut mécaniquement des ménages pourtant en grande difficulté.
Le montant du chèque énergie, lui, n’a pas été revalorisé depuis 2019, alors que les factures d’électricité ont fortement augmenté. Pour les associations, le dispositif risque donc de perdre sa capacité d’amortir la hausse des coûts, laissant davantage de ménages dans une situation critique.