Dégradation des relations économiques entre Bruxelles et Bangkok en vue ?

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Plus d’un an après le coup d’Etat militaire en Thaïlande, les discussions avec l’Union européenne pour un futur accord de partenariat et de coopération sont toujours à l’arrêt, en raison de la d. Bruxelles doit dépasser le stade des menaces de forme si elle souhaite effectivement le rétablissement de la démocratie dans le pays asiatique.

Depuis qu’elle a chassé du pouvoir, en mai 2014, la Première ministre Yingluck Shinawatra – élue, quant à elle, en 2011 –, la junte militaire thaïlandaise, dirigée par le général Prayuth Chan-ocha, fait tout pour gommer la moindre trace démocratique du pays. Son but ? Installer durablement sa mainmise sur le pouvoir. Sa méthode ? Remanier la Constitution thaïlandaise dans un sens qui lui soit favorable ; de nombreux postes haut placés échappent dès lors au processus démocratique et sont soumis aux nominations effectuées par l’armée. Cette dernière affirme qu’elle renoncera in fine à exercer son autorité au profit de nouvelles élections ? Cela ne signifie en aucun cas un retour de la démocratie ; la communauté internationale ne doit pas être aveuglée par quelques mesures d’apparat. L’Union européenne (UE), en particulier, fait entendre sa voix, même s’il lui en coûte un rafraîchissement de ses relations avec la Thaïlande.

Les discussions sur l’APC à l’arrêt

En 2013, Bruxelles et Bangkok ont en effet initié des discussions sur un futur accord de partenariat et de coopération (APC) ; l’UE et son troisième plus gros acteur commercial au sein de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) avaient commencé à se rapprocher à la fin des années 2000. L’accord devait avoir pour but de développer une coopération, jusqu’ici fondée exclusivement sur le commerce et les investissements, dans tous les secteurs des politiques publiques européennes. Plusieurs cycles de négociations, depuis 2006, avaient d’ailleurs été organisés entre Bruxelles et Bangkok, afin de jeter les bases de la future coopération. Le coup d’Etat militaire de mai 2014 a donc marqué un coup d’arrêt à un rapprochement plus que naissant.

Le Parlement européen, dont la consultation est nécessaire pour la conclusion de tout accord commercial, a aussitôt condamné l’arrivée d’une junte au pouvoir, tout en appelant à des élections libres et démocratiques. La commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmstrom, a d’ailleurs affirmé, en juin dernier, que « l’UE ne signerait aucun accord tant qu’il n’y aurait pas de gouvernement démocratique au pouvoir en Thaïlande. » Enfin, le Conseil, de son côté, a pareillement rejeté l’autorité de la junte militaire et souhaité « une feuille de route pour un retour à des élections démocratiques ».

Derrière toutes les revendications des institutions européennes, les atteintes aux droits de l’homme et la censure médiatique sont évidemment pointées du doigt. Dans un communiqué du 2 avril 2015, le Service européen pour l’action extérieure (SEAC), placé sous l’autorité du haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, a réaffirmé que « l’Union n’a eu de cesse de réclamer la levée de la loi martiale et la restauration du processus démocratique en Thaïlande ». Certains tribunaux militaires sont en effet utilisés pour juger des civils ; le procès de l’ancienne Première ministre, qui s’est ouvert en mai dernier, est d’ailleurs révélateur de ce qu’est la justice, aujourd’hui, à l’intérieur du pays : une arme politique aux mains de la junte militaire.

« D’autres accords seront affectés »

Depuis qu’il est au pouvoir, le régime du général Prayuth s’attache à contraindre toujours plus les libertés publiques – et, parfois, civiles –, dans le but, notamment, de parvenir à l’exclusion définitive de la famille Shinawatra de la vie politique. Cela fait également douze mois que l’UE a décidé d’agir d’un point de vue diplomatique, après avoir affirmé qu’elle ne signerait aucun accord économique quel qu’il soit. Les ministres des Affaires étrangères de la communauté européenne ont, de concert, estimé que les visites officielles vers la Thaïlande devaient être suspendues ; « d’autres accords seront affectés » – en plus de l’APC –, d’après eux.

Jusqu’à présent, l’UE – ses institutions et ses membres – a clairement pris position, et il faut s’en féliciter, contre la junte militaire thaïlandaise. Cependant, ce qui ne devait être qu’un « gouvernement de transition » en attendant le rétablissement d’élections démocratiques, ressemble de plus en plus à un régime autoritaire qui ne dit pas son nom. Peut-être est-il temps, aujourd’hui, de dépasser le stade des menaces orales sans suite donnée. De la même manière que Bruxelles s’érige contre la mainmise – de moins en moins implicite – de Poutine sur l’est ukrainien en adoptant des sanctions économiques, l’UE pourrait agir économiquement à l’encontre de Bangkok. Une telle solution, aussi néfaste soit-elle pour les relations bilatérales – la Thaïlande a besoin de l’APC pour son développement ; l’UE doit s’implanter en Asie du Sud-Est –, semble inévitable.

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