Pascal Auzannet, l’homme des missions impossibles

0

Retour sur la carrière et les réalisations d’un expert des transports franciliens, architecte discret de la réussite du Grand Paris. 

Son nom est quasi inconnu du grand public. Et pourtant, à l’image de ces grands commis de l’État dont l’action est aussi stratégique que discrète, Pascal Auzannet peut se targuer d’avoir accompagné et porté un certain nombre de chantiers majeurs, principalement dans le domaine des transports publics, lancés au cours des trois dernières décennies. Retour non exhaustif sur le parcours d’un serviteur de l’État devenu un rouage indispensable de la mobilité francilienne.

Une carrière dédiée aux transports

Titulaire d’un doctorat en sciences de gestion obtenu à l’Université Paris-Dauphine, Pascal Auzannet fait ses premières armes à l’Assemblée nationale, en tant qu’assistant parlementaire (1979-1984) ; le sens du service de l’État, déjà. Puis il s’oriente vers les transports publics. De 1984 à 1997, il mène plusieurs missions d’études et d’expertises pour la RATP et Systra (une filiale de la RATP et de la SNCF), concernant la planification et l’économie des transports, en France, mais aussi en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

Une expertise qui permet à Pascal Auzannet d’obtenir, en 1995 à Sydney, le premier prix de la Conférence mondiale de la recherche dans les transports (WCTR), face à 600 compétiteurs essentiellement anglo-saxons. 1997 signe son retour à la politique : Pascal Auzannet est nommé conseiller technique au cabinet du ministre de l’Équipement, des Transports et du Logement, Jean-Claude Gayssot, où il est chargé des transports publics urbains. Le conseiller planche alors sur le contrat de Plan Etat-Région pour l’Ile-de-France, la politique tarifaire et la réforme institutionnelle des transports.

2002 : Pascal Auzannet rejoint à nouveau la RATP, qu’il ne quittera plus. Directeur du développement et de l’action territoriale jusqu’en 2007, il est à cette date promu directeur du RER, le grand réseau francilien, emprunté par quelque 2,7 millions d’usagers par jour. À sa tête, Pascal Auzannet pourra s’enorgueillir de quelques belles victoires : il est, en effet, le premier directeur du RER à avoir convaincu les cadres de l’entreprise de conduire en temps de grève, et mène avec succès l’augmentation du temps de conduite sur la base d’un protocole majoritaire. Fréderic Sarrassat, ancien secrétaire général adjoint de l’UNSA-RATP se rappelle d’un directeur « atypique », « fin tacticien », dont « la vision politique et la recherche de consensus avaient permis à l’époque de conclure cet accord historique ».

Le facilitateur du Grand Paris

Mais c’est en 2009 que la carrière de Pascal Auzannet prend un tournant décisif. Le président Sarkozy lance en effet le chantier, aussi pharaonique qu’attendu, du Grand Paris. Pascal Auzanet est nommé directeur de la Mission de préfiguration du projet. Avec Christian Blanc, secrétaire d’État au Grand Paris de 2008 à 2010, il est à l’initiative du projet Metrophérique, cette rocade de métro ceinturant Paris, qui deviendra la future ligne 15. Alors que personne ne croit à ce projet, Pascal Auzannet met à profit sa connaissance des grands et « petits » élus franciliens et réussit à les convaincre, ainsi qu’Anne-Marie Idrac, l’ancienne patronne de la RATP.

Entre 2010 et 2013, le gouvernement Fillon confie à Pascal Auzannet le soin de faire converger les projets concurrents de l’État et de la région. Il remet un premier rapport sur le Grand Paris, qui servira de base à l’accord historique de janvier 2011 entre les différentes parties concernées. Ministre de la ville en charge du Grand Paris de 2010 à 2012, Maurice Leroy se souvient de Pascal Auzannet qu’il qualifie aujourd’hui d’« expert comme on les aime, capable de se mettre à la place du responsable politique ». « Un homme chaleureux et surtout un professionnel incontournable sur les Transports et le Grand Paris, un grand serviteur de l’État » selon les mots de l’ancien ministre.

Signe que son expertise est reconnue, l’alternance politique de 2012 ne l’écarte pas du projet. Au contraire : en 2012, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault lui confie à nouveau la rédaction d’un rapport officiel. Remis l’année suivante, il s’agira du premier document pointant le fait que les calendriers du Grand Paris ne sont pas tenables, que le projet ne verra probablement pas le jour avant 2030 et que ses coûts ont été sous-évalués de quelque 10 milliards d’euros.

Un rapport qui sera, à l’époque, incompris par certains acteurs politiques, mais qui est, désormais, considéré comme une référence ; en témoigne le fait que la Cour des comptes s’y réfère régulièrement. Président, depuis décembre 2013, de Ratp Smart Systems, une filiale spécialisée dans les systèmes de billettique et d’information voyageurs, Pascal Auzannet a publié en janvier dernier un livre dévoilant les arcanes du processus ayant abouti au Grand Paris, « Les secrets du Grand Paris » (Ed. Hermann).

Près de 200 pages d’analyses et d’anecdotes récoltées par un homme au centre du processus décisionnel du Grand Paris, auquel rien n’a échappé, et dans lesquelles on croise aussi bien Nicolas Sarkozy que François Hollande, François Fillon que Manuel Valls, Jean-Paul Huchon que Valérie Pécresse. Un ouvrage, surtout, qui donne à voir ce qu’un tel investissement public tient de compromis, de hasards, d’abandons et d’entêtements. Aux côtés des élus franciliens et de responsables politiques comme Maurice Leroy ou Christian Blanc, Pascal Auzannet est l’un des acteurs-clefs qui a façonné, en coulisse, l’Ile-de-France que nous connaîtrons dans plusieurs années.

Partager.

Répondre

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Planete Business