Éolien en mer : la France muscle son ambition

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Malgré un fort potentiel de développement, la France n’en est encore qu’à ses balbutiements en matière d’éolien offshore. Mais le gouvernement et les acteurs de la filière semblent résolus à combler le retard accumulé par rapport aux voisins européens…

Les 3 et 4 décembre, les Assises de l’économie de la mer organisées à Montpellier ont donné un nouveau souffle à une filière éolienne offshore qui en avait bien besoin. En ouverture de l’événement, Emmanuel Macron a en effet annoncé que l’État attribuerait 1 GW de puissance supplémentaire par an d’ici à 2024. « La France possède un des potentiels les plus importants au monde en matière d’éolien en mer, a justifié le président français. Il est incompréhensible qu’elle ne soit pas en pointe. » Pour acter cet engagement fort en faveur de l’éolien en mer, un projet de décret révisé devrait être présenté dans les prochaines semaines afin d’intégrer la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette annonce d’Emmanuel Macron a été largement saluée par les 2 000 acteurs réunis pour l’occasion. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), s’est ainsi réjouit de cette « très bonne nouvelle pour la filière éolienne en mer ». Même enthousiasme du côté de Béatrice Buffon, directrice générale adjointe d’EDF Renouvelables, qui s’est déclarée « heureu[se] » de cette confirmation présidentielle. « Avec nos quatre projets éoliens en mer en France, nous sommes fiers d’ouvrir la voie à cette nouvelle filière industrielle créatrice d’emplois », a-t-elle réagi sur Twitter.

Avec près de 3 500 km de littoral en métropole et plus de 19 000 km outre-mer compris, le potentiel français pour l’éolien offshore n’est plus à démontrer. D’autant que la France possède également le deuxième domaine maritime au monde derrière les États-Unis. Mais à ce jour, l’Hexagone affiche un retard très important sur ses voisins européens. Avec seulement 2 MW de capacité, la production française n’est encore qu’anecdotique car elle ne repose pour le moment essentiellement que sur quelques projets expérimentaux. En comparaison, le Royaume-Uni dispose déjà de 8,2 GW de puissance éolienne installée en mer, devant l’Allemagne (6,4 GW), le Danemark (1,3 GW), la Belgique (1,2 GW) et les Pays-Bas (1,1 GW), d’après les dernières données de WindEurope. En 2018, les deux premières nations européennes ont déjà atteint le rythme visé par Emmanuel Macron pour 2024, avec 1,3 GW de capacité installée outre-Manche et 0,97 GW outre-Rhin. Au total, les pays du nord-ouest de l’Europe totalisent près de 20 GW, qui permettent pour l’instant de répondre à 1,5 % de la demande continentale. Mais cette proportion pourrait atteindre 30 % en 2050, d’après un récent rapport de l’association représentant le secteur éolien à Bruxelles. La Commission européenne envisagerait en effet que la capacité totale des éoliennes en mer soit portée entre 230 et 450 GW d’ici là.

Le littoral français sur le point d’exprimer son potentiel ?

Pour espérer y parvenir, les pays côtiers devront réussir à gagner de l’espace dans leurs zones maritimes respectives. À ce jour, plus de la moitié de l’espace disponible pour la construction de parcs éoliens dans l’océan Atlantique, les mers du Nord et Baltique serait réservée à la pêche, à la navigation et aux activités militaires. L’existence de ces zones d’exclusion limiterait à moins d’un quart les volumes de production bâtissables à moins de 50 euros du MWh, contre près de deux tiers en leur absence. L’aménagement de l’espace maritime représente donc un facteur déterminant pour le développement de la filière de l’éolien offshore. C’est ce qui conduit WindEurope à remettre le statut quo en question. « Ce que nous demandons aux gouvernement, c’est de regarder ces coûts et de se demander si toutes les zones d’exclusion sont strictement nécessaires », explique Giles Dickson, responsable de l’association. En attendant une hypothétique extension du domaine disponible, la France ne tablerait donc que sur 5 GW de nouvelles capacités d’ici 2028, soit bien loin des 40,5 GW possibles dans l’Atlantique et 17,4 GW en Méditerranée. Dans cette perspective, les porteurs de projets ont déjà commencé à travailler à une cohabitation des usages. Lors des Assises de l’économie de la mer, EDF Renouvelables a présenté sa démarche de concertation avec les pêcheurs du Calvados pour concilier ses projets éoliens offshore avec leur activité. En début d’année, 18 navires de pêche de coquilles Saint-Jacques ont ainsi participé à un exercice grandeur nature en mer. Grâce à la simulation des éoliennes sur leur système de navigation, ils ont pu expérimenter les conditions de pêche à l’intérieur du futur parc éolien.

Si les obstacles réglementaires et la longueur des recours en justice ont significativement ralenti l’essor de l’éolien offshore sur son littoral, la France ne part tout de même pas de zéro. Fin novembre, les travaux ont débuté pour la construction du premier parc français, qui devrait voir le jour en 2022 au large de Saint-Nazaire. Ses 80 éoliennes installées entre 12 et 25 km des côtes pourvoiront à environ 20 % de la consommation électrique du département de Loire-Atlantique. Alors que six autres projets sont également en préparation sur la côte Atlantique, dans la Manche et en Mer du Nord (Île d’Yeu-Noirmoutier, Saint-Brieuc, Courseulles-sur-Mer, Fécamp, Dieppe et Dunkerque), un huitième envisagé au large de la Normandie fait actuellement l’objet d’une concertation publique ouverte jusqu’au 15 mai 2020. 

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