Les géants du divertissement Disney et Universal ont intenté une action en justice contre la société d’intelligence artificielle Midjourney, accusant son générateur d’images de reproduire sans autorisation des personnages emblématiques de leurs univers. Derrière cette plainte, c’est toute l’ambivalence d’Hollywood face à l’essor de l’IA générative qui refait surface.
Une plainte de Disney pour plagiat de masse
C’est une offensive judiciaire de taille. Disney et Universal, deux des plus puissants studios de production au monde, ont décidé d’unir leurs forces pour poursuivre Midjourney, une entreprise de la Silicon Valley spécialisée dans la génération d’images par intelligence artificielle. Au cœur du litige : le fonctionnement même de la technologie développée par Midjourney, capable de produire, à partir de simples instructions textuelles, des visuels ultra-réalistes inspirés de la culture populaire.
Selon les plaignants, le générateur d’images de Midjourney n’est rien d’autre qu’un outil de reproduction illicite à grande échelle. Les studios dénoncent un « gouffre sans fond de plagiat » et affirment que le logiciel produit des « copies innombrables » de personnages protégés par le droit d’auteur. Parmi eux, on retrouve des figures mondialement connues comme Dark Vador de Star Wars, Elsa de La Reine des Neiges ou encore les célèbres Minions de Moi, moche et méchant.
Des images générées à la demande
Midjourney s’est imposé ces dernières années comme l’un des outils d’intelligence artificielle les plus performants du marché pour la création d’images. Son fonctionnement repose sur un système de requêtes, appelées « prompts » : en quelques mots, l’utilisateur peut demander la création d’une image correspondant à une scène, un style ou un personnage précis. L’IA s’appuie alors sur des milliards de données visuelles, extraites notamment d’Internet, pour générer une illustration inédite.
C’est précisément ce processus d’apprentissage qui est contesté par Disney et Universal. Selon eux, Midjourney aurait « entraîné » son IA sur des œuvres protégées par le droit d’auteur, sans autorisation ni compensation pour les créateurs originaux. Résultat : l’outil serait aujourd’hui capable de reproduire des personnages et des univers graphiques de manière quasi fidèle, à la frontière de la contrefaçon.
Hollywood, entre fascination et crainte de l’IA
L’affaire Midjourney révèle une tension croissante au sein de l’industrie du divertissement. Depuis plusieurs années, les grands studios explorent les possibilités offertes par l’IA : que ce soit pour créer des effets spéciaux, générer des scénarios ou concevoir des contenus immersifs, la technologie est perçue comme un levier d’innovation puissant.
Mais dans le même temps, elle suscite une inquiétude grandissante. Le recours à des outils génératifs capables de reproduire des images, des voix ou des textes à partir d’exemples existants interroge la notion même de propriété intellectuelle. Les syndicats d’artistes, d’auteurs et de techniciens ont déjà tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, redoutant un monde où les créations humaines seraient remplacées — ou volées — par des machines entraînées sur leurs œuvres.
Une bataille juridique à fort enjeu pour Disney
Le procès intenté par Disney et Universal s’inscrit dans une série de recours similaires lancés récemment aux États-Unis contre des entreprises d’IA. Dans le domaine littéraire, des auteurs comme George R.R. Martin ou John Grisham ont attaqué OpenAI, estimant que leurs romans avaient été utilisés sans autorisation pour entraîner ChatGPT. Dans le domaine de l’image, Stability AI et DeviantArt sont eux aussi visés par des poursuites.
Ce nouveau front judiciaire marque une tentative de l’industrie du divertissement de reprendre le contrôle sur ses créations, à l’heure où l’IA redéfinit les frontières entre inspiration et imitation. Pour les studios, l’objectif est clair : empêcher que leurs marques et personnages ne soient utilisés sans leur accord dans des œuvres générées automatiquement, qui pourraient concurrencer leurs propres productions ou altérer leur image.
Quelle régulation pour l’IA créative ?
Au-delà du cas Midjourney, c’est la question de la régulation des outils d’IA générative qui se pose. Jusqu’à présent, aucune loi internationale ne fixe clairement les limites de l’entraînement des IA sur des œuvres protégées. Le flou juridique actuel permet à de nombreuses entreprises technologiques de s’engouffrer dans la brèche, en exploitant des bases de données massives sans nécessairement obtenir de licences.
Des discussions sont en cours aux États-Unis, en Europe et au sein de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour tenter d’encadrer ces pratiques. Le procès intenté par Disney et Universal pourrait jouer un rôle déterminant dans ce débat en fixant un précédent : celui d’un créateur confronté à une IA capable de dupliquer son œuvre sans autorisation.