Le gouvernement n’en finit plus d’ouvrir des fronts sensibles sur la question du travail concernant la 5e semaine de congés. Mardi 15 juillet, dans le sillage du discours de François Bayrou sur le redressement économique du pays, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a évoqué une idée déjà explosive : autoriser la monétisation de la cinquième semaine de congés payés. Une mesure présentée comme une hypothèse de travail, à discuter avec les partenaires sociaux. Mais en 24 heures, la polémique était déjà lancée.
Une “piste” sur la 5e semaine de congés qui provoque une onde de choc
Interrogée sur RTL, la ministre a pris soin de préciser que cette éventuelle réforme ne remettrait pas en cause le droit à cinq semaines de congés. Il ne s’agirait pas d’obligation mais d’un choix laissé au salarié, qui pourrait décider de troquer sa cinquième semaine contre un complément de salaire. Une option censée encourager l’activité, dans un contexte de relance de la productivité.
Mais cette perspective a immédiatement cristallisé les oppositions. Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a dénoncé une mesure sortie du “musée des horreurs”, évoquant une atteinte directe à un droit fondamental des salariés. Dans les rangs de la gauche, la proposition est perçue comme une nouvelle offensive contre le temps de repos, au détriment de la santé mentale et de l’équilibre vie pro/vie perso.
Une vieille idée qui ressurgit
Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement s’attaque aux jours de repos des travailleurs. En 2007 déjà, Nicolas Sarkozy avait institué le principe de rachat des journées de RTT, dans l’esprit du slogan « travailler plus pour gagner plus ». L’idée avait été abandonnée sous François Hollande, avant de ressurgir sous Emmanuel Macron, qui l’a remise au goût du jour en 2022. Depuis, les entreprises peuvent proposer de racheter ces jours, avec une majoration minimale de 25%.
Étendre ce dispositif à la cinquième semaine de congés représenterait un cap symbolique, d’autant que ce droit est inscrit dans la loi depuis 1982. « C’est un marqueur social fort, une conquête historique », rappelle une source syndicale. Sa monétisation relancerait une logique productiviste, selon laquelle les jours non travaillés deviennent autant de pertes économiques.
Une mesure favorable aux entreprises ?
Du côté du patronat, la proposition est loin de susciter autant de crispation. Certains employeurs y voient même une solution pratique pour disposer de plus de forces vives en période de tension économique. « Des chefs d’entreprise préfèrent parfois payer les jours plutôt que d’avoir à gérer des absences, surtout dans les secteurs sous tension », explique Me Anne Leleu-Été, avocate en droit social, à BFM Business.
Elle note toutefois que cette logique se heurte à une autre réalité : la fatigue croissante des salariés, le stress et les enjeux de santé au travail. « On aborde le travail uniquement sous l’angle économique, sans intégrer la question de la prévention, de la sécurité et du droit au repos. »
Un test sur la 5e semaine de congés pour le dialogue social
Le gouvernement insiste : rien ne se fera sans les partenaires sociaux. La ministre du Travail précise que la mesure n’est qu’une proposition dans un paquet de discussions plus large sur l’assurance-chômage et l’accès à l’emploi. Mais la brutalité ressentie par une partie de l’opinion et des syndicats rappelle à quel point le temps de travail reste un sujet hautement inflammable.
L’idée de laisser le salarié choisir pourrait séduire certains, notamment ceux qui cherchent à augmenter ponctuellement leur pouvoir d’achat. Mais elle soulève un risque bien connu : celui de pressions implicites, voire explicites, au sein des entreprises pour inciter à la vente des congés. Une dérive redoutée par plusieurs syndicats, qui rappellent que la liberté de choix n’est pas toujours garantie dans le monde du travail.
En conclusion : la proposition de monétiser la cinquième semaine de congés relance un débat ancien, mais toujours aussi sensible. Si elle promet plus de liberté pour certains, elle questionne profondément le modèle social français et la place accordée au repos comme valeur de société. Une “piste” qui, malgré les précautions sémantiques du gouvernement, est déjà devenue un symbole.