La Pologne garde sa main mise sur le charbon

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Deuxième producteur et consommateur de charbon en Europe derrière l’Allemagne, la Pologne souffre aujourd’hui d’une forte dépendance à ce combustible fossile encouragée par un gouvernement conservateur peu sensible à la cause climatique. Malgré les effets indésirables des rejets de gaz à effet de serre pour l’environnement et la santé des populations, la Pologne ne semble en effet pas encore prête à changer de cap ni à s’orienter vers un mix énergétique plus durable.

Le charbon, une « richesse nationale » polonaise

La Pologne est considérée aujourd’hui comme le mauvais élève de l’Union européenne en matière climatique. Elle compte, en effet, plusieurs villes parmi les plus polluées du monde (Cracovie, Katowice ou Varsovie) du fait d’une utilisation généralisée de charbon de mauvaise qualité chez les ménages (pour le chauffage au poêle notamment), et de la production d’une grande partie de l’électricité nationale dans des centrales à charbon très polluantes. 83% de l’électricité y est produite à partir de la houille et du lignite (la Pologne dispose des premières réserves de charbon en Europe et les 16èmes mondiales), et la filière représente toujours plus de 100.000 emplois à l’échelle nationale. Ce secteur reste d’ailleurs largement soutenu par le gouvernement très conservateur de Beata Szyllo qui voit dans le charbon une richesse nationale garante de la sécurité énergétique du pays.

Cette tendance, qui va à contre-courant de l’effort international pour le climat, a de quoi inquiéter les observateurs qui multiplient les avertissements. L’Agence internationale de l’énergie (AIE), par exemple avait lancé, dans un rapport publié en janvier 2017, un appel au gouvernement polonais en faveur d’un mix énergétique plus propre et plus durable. L’AIE y exposait une nouvelle stratégie énergétique que la Pologne devrait appliquer « sans tarder » afin de réduire sa dépendance au charbon. « La nouvelle stratégie d’énergie va demander des investissements significatifs pour réduire la part des centrales électriques à charbon et augmenter la part de l’énergie à faible teneur en carbone, y compris dans l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables », expliquait alors Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’AIE.

Loin de suivre ces recommandations, le gouvernement polonais semble plus que jamais décidé à conserver le charbon comme première source d’énergie et à protéger une industrie porteuse pour son économie nationale. L’utilisation massive du charbon lui garantit également une certaine indépendance énergétique alors que la Pologne importe de l’étranger toujours près des trois quarts de son gaz et la totalité de son pétrole. Très critique à l’égard de la Russie (qui lui fournit 73% de son gaz naturel), le gouvernement polonais souhaite se défaire progressivement de l’emprise russe en matière d’approvisionnement énergétique et compte pour cela, en plus d’une réorientation de ces importations de gaz, sur une industrie charbonnière puissante.

Une pollution atmosphérique à l’échelle européenne

Problème, si elle semble rationnelle d’un point de vue économique, cette stratégie est totalement contraire aux engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris et donc totalement inefficace pour lutter contre le changement climatique. Nul besoin d’études ou d’analyses pour s’en convaincre, les grandes agglomérations polonaises comme Varsovie, sont régulièrement le théâtre d’épisodes de pollution records au cours desquels le « smog », cette épaisse couche de pollution stagnante, pèse aussi bien sur l’environnement que sur la santé des populations. Selon une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publiée en 2016, la pollution atmosphérique provoquerait plus de 50.000 décès prématurés par an en Pologne, un pays qui compte 38 millions d’habitants. « Pendant les périodes de smog, le nombre de gens qui meurent de maladies respiratoires ou cardiaques monte nettement », expliquait en janvier 2017 à l’AFP la professeure Anna Doboszynska, spécialiste de pneumologie dans un hôpital de Varsovie. Ce nuage de pollution ne s’arrête d’ailleurs pas à la frontière et touche l’ensemble du continent européen dont la France. L’Hexagone serait même un des pays les plus exposés aux émissions de particules fines provenant de Pologne et d’Allemagne.

Face à cette situation, de nombreux opérateurs énergétiques ont, pour leur part, décidé de se désengager des activités liées au charbon en Pologne et en Europe. Les groupes français EDF et Engie, par exemple, ont tous les deux entamé ces derniers mois des programmes de cession de leurs actifs polonais. EDF tout d’abord a indiqué, jeudi 11 mai 2017 avoir reçu une promesse d’achat de ses activités de cogénération et de sa centrale thermique de Rybnik (EDF Polska), émanant de l’énergéticien public polonais PGE. Ce projet de cession, engagé dans un premier temps avec des investisseurs australiens et tchèques, s’était heurté fin 2016 au veto des autorités qui refusaient toute cession à des groupes étrangers. Le gouvernement polonais, très attaché au charbon, considérait cette opération comme contraire aux intérêts nationaux, et avait prétexté la crainte d’une envolée des prix et des risques pour la sécurité énergétique de la Pologne. Pour EDF, cet accord fait suite à la fermeture de plusieurs centrales thermiques au charbon et au fioul en France dans le cadre d’un plan stratégique de cession de ses actifs non stratégiques destiné à recentrer ses activités dans le secteur de la production d’énergie décarbonée. De son côté, Engie a finalisé au mois de mars dernier la cession à l’Etat polonais de sa centrale thermique de Polaniec dans le cadre d’un accord signé avec le groupe public Enea. Ce site de production ne rentrait plus dans les plans de l’énergéticien français, désireux lui aussi de recentrer ses nouveaux développements sur les activités bas carbone, les infrastructures gazières et les solutions intégrées pour ses clients.

Une transition énergétique trop timide en Pologne

La volonté affichée du gouvernement de renationaliser le secteur du charbon ne fait donc aucun doute et laisse peu de place aux efforts souhaités par l’Europe ou la communauté internationale dans le sens de la transition énergétique. La Pologne a effectivement ratifié l’Accord de Paris en septembre 2016 mais n’entend pas pour autant diminuer sa production de charbon, et envisage plutôt la lutte contre le changement climatique sous un autre angle. Le gouvernement serait en effet plus enclin à réduire les émissions nettes de CO2 par une absorption accrue des forêts et des sols, et non pas par un changement de mix énergétique.

L’énergie éolienne, seule énergie renouvelable véritablement développée en Pologne, est longtemps apparue comme une filière pleine d’avenir. Elle s’est imposée peu à peu comme une énergie verte moins chère sur le réseau européen que les vieilles centrales à charbon, et le pays s’est équipé progressivement, via la mise en place de plusieurs parcs éoliens ces dernières années, pour couvrir aujourd’hui plus de 10% de ses besoins en électricité. Mais cette conjoncture n’aura été que de courte durée, et les normes très strictes fixées par le gouvernement (la distance minimale à respecter pour implanter des éoliennes en zones d’habitation par exemple), ont considérablement ralenti le rythme des raccordements. En revanche, les éoliennes offshore ne rencontrent pour l’instant pas de grosses contraintes, et la biomasse ainsi que la géothermie ont été élevées au rang d’énergies renouvelables prioritaires par l’actuel gouvernement.

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