Pour la télémédecine, les leçons d’un exercice grandeur nature

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Depuis le début de la crise du COVID-19, le secteur de la télémédecine connaît un regain d’intérêt majeur et demeure l’un des grands gagnants de la crise sanitaire. Pour ce marché en plein essor, tous les indicateurs sont au vert et laissent penser que la pratique de la consultation à distance pourrait durablement s’ancrer dans les habitudes des patients. Du côté des acteurs privés, comme Doctolib en France ou Blueberry Pediatrics aux États-Unis, qui a récemment reçu l’appui du fonds d’investissement SGH Capital, la crise du COVID-19 est un test grandeur nature pour prouver la solidité de leur modèle.

Un attrait croissant pour la télémédecine

En France, le secteur de la téléconsultation est structuré autour des centres de santé publique et d’un écosystème de start-up spécialisées particulièrement dynamique. Et les chiffres témoignent d’un attrait exponentiel des Français depuis le début des mesures de confinement. Surtout, la crise du COVID-19 a permis la levée rapide d’une partie des barrières réglementaires qui conditionnaient encore l’accès à la télémédecine. Un décret, publié le 10 mars dernier, permet ainsi d’accéder aux téléconsultations sans passer par une visite physique préalable chez son médecin traitant, dérogeant ainsi — provisoirement — à la stricte réglementation en vigueur.

« Avant l’épidémie de Covid-19, nous ne faisions quasiment pas de téléconsultations. Nous sommes passés à 4 000 par semaine et ça va rester. Quand on peut éviter de faire se déplacer un patient, c’est toujours mieux » explique Marc Penaud, directeur général du CHU de Toulouse. Un constat similaire partagé par l’Assurance maladie qui explique, dans un communiqué publié le 31 mars, que 486 369 téléconsultations ont été facturées à l’Assurance Maladie pendant la semaine du 23 au 29 mars. Avant la crise, l’Assurance maladie n’en comptabilisait qu’environ 10 000 par semaines. Si cette tendance indique un attrait croissant des patients pour une forme plus sécurisée de consultation, elle témoigne aussi d’une acculturation croissante des médecins à ces nouvelles pratiques. En effet, pendant la semaine du 23 au 29 mars, 1 médecin sur 3 a facturé au moins une téléconsultation, là où il n’était que moins d’un sur 10 la semaine précédente.

Le secteur public a fait preuve d’une étonnante agilité pour répondre à une demande croissante, en mettant à la disposition de ses personnels et des patients des outils de téléconsultation efficace. Mais les centres de santé restent encore minoritaires. Ainsi, avant la crise, en septembre dernier, 85 % des consultations étaient facturées par des médecins libéraux, contre seulement 8 % pour les centres de santé et 2 % pour les établissements. Les médecins généralistes libéraux, souvent les plus jeunes d’entre eux, représentent la majorité des téléconsultations.

En France et dans le monde, des acteurs privés particulièrement dynamiques

La crise du COVID-19 a permis de révéler le dynamisme de l’écosystème français de la télémédecine. Doctolib, acteur historique de ce marché, a annoncé le 22 avril être passé de « 1 000 à 10 000 consultations par jour en un mois ». Même constat chez MesDocteurs, dont la PDG, Marie-Laure Saillard, explique que « tous les barrages réglementaires ont été levés dans la crise sanitaire », décrivant ainsi « un véritable tsunami » sur sa plateforme au micro de BFM TV.

Cette tendance n’est évidemment pas cloisonnée à la France. Les mesures de confinement se sont traduites par une expansion du recours à la télémédecine partout où elles ont été décidées par les pouvoirs publics. Autre point à signaler, le succès des consultations en ligne se confirme aussi au-delà de la médecine générale. Blueberry Pediatrics, une société américaine de téléconsultation pédiatrique, connaît ainsi une croissance de 90 % par semaine depuis le début de la propagation de l’épidémie. La société est d’ailleurs accompagnée dans son développement par le fonds d’investissement SGH Capital, qui a massivement investi dans la start-up en mars 2019. SGH Capital s’était déjà illustré par son flair en matière d’investissements stratégiques en premier tour de table dans le domaine médical en investissant dès 2015 dans la start-up Guardant Health, spécialiste de la détection de cancer, dont l’introduction au NASDAQ en octobre 2018 s’est soldée par un réel succès.

Une tendance de long-terme ?

Sans aucun doute pour Stanislas Niox-Chateau, président et cofondateur de Doctolib qui explique que « cette pratique va s’installer durablement dans les usages des praticiens et des patients, comme l’ont souhaité le ministère de la Santé et les syndicats de médecin depuis septembre 2018 ». « Croire qu’on va revenir à faire les choses comme on les faisait avant, ça m’apparaît illusoire », explique le docteur Nathalie Saad, vice-présidente du Collège des médecins du Québec, qui croit fermement que la téléconsultation prendra un sérieux coup d’accélérateur après la crise, malgré « un temps de pause » post-coronavirus.

L’essor de la télémédecine devrait s’accompagner de l’acculturation croissante des populations aux usages virtuels. « Les gens sont assez familiers avec tout ça. La plupart des patients ont déjà un téléphone ou une tablette, et ils l’utilisaient déjà pour communiquer avec leur famille » précise ainsi Nathalie Saad. Petit point de vigilance cependant, l’accès à la télémédecine risque de révéler, encore plus, la fracture numérique qui existe entre les territoires. En France, par exemple, 39 % des consultations vidéo ont été passées depuis la région francilienne, où les inégalités d’accès à internet sont les moins prononcées. Une tendance malheureuse qui, là encore, devrait se réduire avec le temps…

 

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