Billettique : un mercato industriel entre risques et opportunités

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Ces dernières années, le mercato industriel dans le secteur de la billettique est devenu un sujet récurrent. Prise de risque quand il concerne un changement de prestataire, il peut aussi être l’occasion d’opportunités économiques pour les groupes de transports. Des grandes manœuvres qui font l’objet d’un suivi stratégique par les acteurs de la mobilité.

Changer de prestataire, une prise de risque systématique 

Changer de prestataire constitue toujours une prise de risque. On se souvient du fiasco parisien de Vélib quand JC Decaux a été remplacé par Smovengo. Plusieurs années après le changement de titulaire, la maire de Paris Anne Hidalgo est encore l’objet de critiques acerbes. A l’époque, le syndicat mixte Autolib Vélib Métropole avait choisi après examen des différentes offres. Un choix assumé donc, et non subi comme c’est le cas lorsque le changement de pilote résulte d’une opération de fusion – acquisition.

L’instabilité et les conséquences d’un changement de prestataire en charge de la billettique, en cours de contrat, ne manquent pas d’inquiéter les Autorités Organisatrices de la Mobilité et les exploitants de transport. Il s’agit en effet de faire fonctionner des systèmes très complexes, et tout incident informatique peut avoir de fortes répercussions. Un contexte stable est souvent préférable à un changement de titulaire en cours de contrat : mieux vaut alors confier sa billettique à des prestataires robustes et expérimentés, soucieux de leur réputation. D’autant que pour les Autorités Organisatrices, la billettique est une source de revenus non négligeable, bien que la part des recettes voyageurs reste faible, de l’ordre de 20 à 25 % du coût de revient d’un voyage. Si les collectivités qui ont instauré la gratuité ne se sentent pas concernées, elles sont loin d’être majoritaires.

Les groupes de transport urbain de voyageurs (Keolis, Transdev, RATP Dev) se mènent une concurrence acharnée en France et à l’international, avec pour corollaire une baisse des coûts et des marges financières. Pour remporter des marchés, ils essaient de faire la différence par l’innovation dans les domaines de la billettique et de l’information voyageurs. Pour cela, le mieux est d’avoir sa propre filiale : Ritmx et Kisio pour la SNCF et Keolis, Cityway pour Transdev, Citio et Ratp Smart Systems pour la RATP.  De telles filiales permettent d’assurer l’exploitation ou de piloter les partenariats avec d’autres acteurs de billettique indépendants.

Grandes manœuvres : un suivi stratégique pour les acteurs de la mobilité

Les grandes manœuvres caractérisées par des fusions – acquisitions et ventes sont donc suivies de près par les acteurs de la mobilité. Ainsi, on attend toujours le futur repreneur de la branche billettique de Thalès – Revenue Collection Systems – présente dans une centaine de villes dans le monde – qui est à vendre depuis plusieurs années. La presse économique s’est ainsi fait l’écho de l’échec des négociations avec le fond d’investissement Latour Capital en 2017, puis avec d’autres industriels dont des sociétés chinoises. Pendant un temps, la RATP a aussi été approchée. Sans succès. Probable que les déboires de Thalès à Bordeaux et la menace de contentieux du maire de l’époque, Alain Juppé, expliquant que la billettique avait « foiré » n’ont pas facilité les négociations. Un jour viendra pourtant où la branche billettique de Thalès sera rachetée, que ce soit par un investisseur français ou… chinois.

Flowbird (ex Parkeon), l’autre acteur français de la billettique a également été concerné par des restructurations. Notamment en 2018 avec le rachat du suédois Cale, ce qui a conforté son développement en France et à l’international. Mappy vient de se faire racheter par le groupe RATP en vue de réaliser une solution billettique et d’information voyageurs de type MaaS (Mobility as a service). Une alliance stratégique 100 % française pour enrichir l’expérience client et attaquer le marché du MaaS en France.

Les entreprises étrangères présentes sur le marché français ne font pas exception. C’est le cas de la société italienne AEP et l’Américain Conduent qui sont à vendre. Des entreprises dont la bonne rentabilité participera sûrement à trouver des acheteurs, malgré la crise sanitaire.

Fusions – acquisitions : des enjeux financiers, et un facteur d’instabilité

Les fusions – acquisitions font partie de la vie économique. Mais les Autorités Organisatrices ne doivent pas être dupes des enjeux financiers et des règles du jeu qui en découlent. Pour une entreprise en vente, la satisfaction du client n’est plus prioritaire. Le gain d’un nouveau marché est un levier financier pour une meilleure valorisation financière dans le cadre des due diligence (audit d’acquisition d’une entreprise). La rentabilité prime avant tout. Mieux vaut alors, avant la vente, renoncer à répondre à un appel d’offres s’il n’est pas suffisamment rentable. Et éventuellement se retirer une fois l’acquisition réalisée avec le risque de contentieux long et couteux si la rentabilité n’est pas assez élevée. Pour le nouvel acquéreur, la continuité peut être un défi redoutable. Il faut conserver les salariés avec leurs compétences alors que les niveaux de turn-over qui suivent un rachat sont généralement élevés. Et constituent une cause d’échec bien identifiée.

Il est probable qu’en Île-de-France (tant chez IdFM, la Société du Grand Paris que chez les transporteurs SNCF Transilien et RATP) ce phénomène de fusion – acquisition sera regardé avec beaucoup d’attention, après la décision d’Alstom de ne pas honorer les engagements pris sur la livraison des matériels roulant pour la ligne B du RER. Le système billettique de la région y est en effet en pleine évolution. Alstom, après avoir racheté son concurrent Bombardier qui venait de remporter cet important marché avec CAF (marché de 146 trains pour un coût de 2,56 milliards d’euros selon l’Usine nouvelle), a de façon unilatérale et violemment interrompu le processus d’adjudication, au risque de faire perdre ainsi plusieurs années pour l’amélioration du confort des voyageurs. Ceci faisant, il a provoqué l’ire de la présidente de Région, Valérie Pécresse, qui, après un véritable bras de fer, a finalement réussi à lui faire entendre raison.

Dans ce contexte plutôt instable, la surprise pourrait venir d’un autre acteur européen qui chercherait à s’installer sur le territoire national. Incontestablement, l’Espagnol Indra très impliqué en Amérique Latine et motivé pour une implantation en France depuis plusieurs années, a une carte à jouer.

 

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