Climat : une mobilisation citoyenne louable aux fondements contestables ?

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La transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique sont deux sujets intimement liés dont l’exposition médiatique est assurée par de nombreux événements et prises de position de certaines personnalités. Cette semaine voit un calendrier particulièrement chargé avec pas moins de trois grandes mobilisations en faveur du climat. La première est d’ordre judiciaire puisque quatre ONG ont déposé jeudi 14 mars 2019 un recours contre l’Etat pour « inaction climatique ». Dans la foulée, ce sont les jeunes et l’ensemble des citoyens qui sont attendus dans la rue ce vendredi et ce samedi, pour faire pression sur le gouvernement. La prise de conscience climatique a lieu, mais le début de réponse apporté est-il vraiment le bon ?

Les rues françaises risquent fort d’être bruyantes ce samedi 16 mars 2019. Outre les gilets jaunes qui espèrent un regain de mobilisation au lendemain d’un grand débat qu’ils ont ouvertement critiqué, des (dizaines de) milliers de personnes vont battre le pavé dans le cadre de « la marche du siècle ». Face à la dégradation de la situation climatique, les citoyens sont appelés à une mobilisation sans précédent. L’initiative en revient à plus d’une centaine d’ONG qui ont publié un manifeste très percutant rappelant les raisons d’une mobilisation qui doit être la plus forte possible afin de faire comprendre au gouvernement que la politique environnementale ne peut plus se contenter de déclarations de principe et de belles paroles.

La mobilisation citoyenne en faveur du climat prend corps

Comme cela est justement dit dans le texte signé notamment par Greenpeace, Oxfam ou encore le Secours catholique, « Fin du monde et fin du mois relèvent du même combat ». Les combats contre le dérèglement climatique et « la violence sociale » se rejoignent et doivent inclure toutes les classes d’âge et catégories sociales. C’est pourquoi la mobilisation des jeunes la veille, vendredi 15 mars, est importante. Depuis plusieurs semaines, un souffle nouveau venu de la jeunesse se fait sentir en faveur de la lutte contre les changements climatiques et la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, a été interpellée directement le 15 février dernier. Le dialogue a été établi, mais ce sont des actions concrètes qui sont exigées.

Et de ce côté-là, le compte n’y est pas vraiment. Cette semaine, le gouvernement a fait marche arrière quelques heures avant la présentation en Conseil des ministres de la loi Energie. Un texte très attendu qui a suscité la grogne des ONG qui n’ont guère apprécié des objectifs à la fois flous et à la baisse. Les deux principales critiques se sont portées sur un objectif de réduction de la consommation d’énergie de 17 % en 2030 au lieu de 20 % initialement prévu. Le concept de « neutralité carbone » a lui aussi été critiqué puisque jugé trop flou. Finalement, le gouvernement a préféré se donner quelques semaines de réflexion pour « remuscler » son texte et lever les zones grises qui pourraient prêter à interprétation.

Une politique environnementale finalement peu engagée

Ce cafouillage n’a rien de rassurant venant d’un gouvernement qui a multiplié les signes ostentatoires de lutte contre le réchauffement climatique, mais dont le bilan concret des actions menées reste très faible près de deux années après sa prise de fonction. Le fait de retrouver Nicolas Hulot (via sa fondation) parmi les signataires de l’appel à la marche du siècle et à l’Hôtel de Roquelaure est symptomatique d’un exécutif qui n’a pas réussi à avancer sur les dossiers qui comptent vraiment. A tel point que les quatre ONG à l’origine de la très médiatique et soutenue « Affaire du siècle » ont déposé, jeudi 14 mars, un recours contre l’Etat pour inaction climatique. Cette entreprise judiciaire a peu de chances d’aboutir en raison de la frilosité des juges à juger l’Etat dans ce domaine, mais les ONG accusatrices entendent bien démontrer que l’Etat ne se donne pas les moyens de respecter ses engagements internationaux. La rupture semble être consommée…

La déception vis-à-vis des pouvoirs publics gagne le rang des ONG et les scientifiques ne sont pas en reste. Cette même semaine, Jean-Christophe Brisard, a accusé sur les ondes d’Europe 1 « le manque de volonté des politiques » sur la question préoccupante de la pollution, son domaine de spécialité. Malgré les 67 000 morts prématurées chaque année en France à cause de ce fléau, aucune véritable politique n’est portée « parce que cela nécessiterait des investissements énormes, et un changement de comportement en termes d’économie, notamment sur l’industrie automobile ».

La seule bonne nouvelle à l’heure actuelle est la confirmation de la fermeture des quatre dernières centrales à charbon encore en fonctionnement en France. Brune Poirson en a d’ailleurs rappelé la date butoir de 2022. La France peut ainsi mettre en avant un mix énergétique bas carbone composé de nucléaire et de l’essor des énergies renouvelables. Mais un atome qui souffre encore des attaques des ONG et d’un gouvernement qui peine à prendre sa défense de front.

Le nucléaire : un allié oublié de la lutte contre le réchauffement climatique

Le huitième anniversaire de l’accident de Fukushima a donné du grain à moudre aux anti-nucléaires. Les arguments sont toujours les mêmes et font fi des nouvelles normes drastiques mises en place suite à ce drame aux circonstances exceptionnelles. Plus grave encore, la place de l’atome dans la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique est généralement passé sous silence. Un Français émet 70 % de CO2 en moins qu’un Allemand et trois fois moins qu’un Américain. Cela n’est pas dû à une vertu supérieure de nos concitoyens, mais au choix d’une énergie décarbonée et abondante : le nucléaire. Alors que la France ferme ces dernières centrales à charbon, l’Allemagne en ouvre de nouvelles justement pour répondre à la fermeture précipitée de ses réacteurs nucléaires. La vision allemande de la transition énergétique est des plus étranges, mais le même mal guette notre pays.

Car, le dernier avantage notable de l’énergie nucléaire est son coût. Alors que le malaise social lié au pouvoir d’achat n’a jamais été aussi fort depuis des années, les ONG assurent qu’il faut abandonner une énergie peu chère. Une autre comparaison avec l’Allemagne montre que le coût de l’électricité pour le consommateur est inférieur de 70 % en France. Cela est vrai aussi pour les industriels français qui paient leur électricité 25 % moins chère que dans le reste de l’Europe. Faire baisser la part du nucléaire pour tenter une percée des énergies vertes est un contresens économique et financier que les Français ne pourront pas assumer. Cette réalité a du mal à arriver dans les médias, mais de grands noms commencent à se faire entendre sur la question. Le grand explorateur Jean-Louis Etienne, Michael Shellenberger, nommé Héros de l’environnement par le Times Magazine ou même le fondateur de Microsoft, Bill Gates, ont publiquement pris fait et cause pour le nucléaire. La défense de cette énergie n’est plus un tabou, mais il reste difficile de se faire entendre.

C’est pourquoi, mettre la pression sur les pouvoirs publics est une bonne chose, mais encore faut-il le faire avec la connaissance des solutions qui sont vraiment utiles pour la préservation du climat. Les enjeux sont bien trop importants pour mettre de côté des pans entiers de la réalité et d’une électricité française déjà très peu carbonée.

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